Engager les citoyens dans le développement durable local : Bonnes pratiques et outils collaboratifs

L’implication des citoyens (IC) dans la prise de décision environnementale est un phénomène croissant, tant au Canada que dans d’autres pays. Cette tendance reflète une volonté accrue d’intégrer les citoyens dans la définition, l’analyse et la résolution des problèmes environnementaux, influençant ainsi les décisions prises.

Des recommandations récentes, émanant de la Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie au Canada, de comités consultatifs aux États-Unis et de la Banque mondiale, plaident en faveur d’une plus grande IC dans les processus décisionnels environnementaux. Cependant, ces propositions suscitent des débats, oscillant entre soutien enthousiaste et scepticisme. Les partisans estiment que les politiques environnementales concernent directement les citoyens et que leur participation est légitime. À l’inverse, certains doutent de la capacité des citoyens non spécialistes à s’engager efficacement dans des décisions complexes aux enjeux considérables.

La diversité des approches de l’IC rend difficile une analyse uniforme. Les évaluations varient selon les idéologies, les disciplines et les perspectives pratiques ou théoriques. Ainsi, il est pertinent d’examiner l’IC à travers différentes tendances, en se concentrant notamment sur les expériences canadiennes dans le contexte nord-américain.

Le chapitre se structure autour de plusieurs sections :

  1. Définition de l’IC : Cette section situe l’IC dans le cadre plus large de la gouvernance environnementale, introduisant des concepts et des typologies essentielles.
  2. Évolution de l’IC au Canada : En se basant sur l’exemple de la Colombie-Britannique sur les trois dernières décennies, cette partie illustre comment l’IC a évolué, progressé puis régressé, avec deux périodes majeures d’innovation correspondant à des vagues de mobilisation environnementale.
  3. Tendances spécifiques en Colombie-Britannique : Cette section se concentre sur l’utilisation accrue des techniques de négociation, telles que la médiation et la facilitation, ainsi que sur la prolifération des recours en matière d’IC appliquée à l’environnement, mettant en lumière l’émergence d’approches interdisciplinaires.
  4. Transformation de la gestion environnementale : Une analyse critique distingue les mouvements d’IC selon leur degré de lien avec les grandes forces en présence (gouvernement, entreprises), en explorant des approches mitoyennes favorisant une prise de décision progressiste, flexible et structurée.
  5. Évaluations des processus d’IC : Cette section examine quatre évaluations de processus d’IC pour illustrer les forces et faiblesses empiriques de différentes approches, soulignant le besoin de clarifier les objectifs de l’IC et de mieux mesurer leurs accomplissements.

En conclusion, le chapitre propose une stratégie visant à mieux apprendre des « approches mitoyennes » et identifie les grandes tendances et enjeux de recherche de plus en plus importants pour l’IC.

L’IC, définie comme l’implication des citoyens dans l’analyse, le conseil et la prise de décision en matière environnementale, est influencée par divers facteurs, notamment la théorie de la démocratie, les rapports de pouvoir et les outils utilisés. Des perspectives managériales, pluralistes et populaires offrent des visions différentes de l’IC, allant de la gestion par les élus à la participation directe des citoyens. La taxonomie des rapports de pouvoir, illustrée par l’échelle de participation de Sherry Arnstein, distingue différents niveaux de participation, du simple information au contrôle total par les citoyens.

En somme, l’implication des citoyens dans la prise de décision environnementale est un domaine complexe et en constante évolution, nécessitant une compréhension approfondie des diverses approches et de leurs implications pour la gouvernance environnementale.

Multiplicité des approches et outils : La participation citoyenne se caractérise par l’utilisation de divers outils et approches, qui peuvent évoluer au cours d’un programme. Par exemple, un programme peut commencer par une approche de collecte d’informations, puis adopter des méthodes plus complexes telles que la négociation ou le consensus. Cette flexibilité permet d’adapter les processus en fonction des objectifs et du contexte.

Complications de l’évaluation : L’évaluation des programmes de TIC se heurte à plusieurs défis, notamment la diversité des perspectives des différents acteurs impliqués (commanditaires, citoyens, analystes, etc.). Les objectifs peuvent être orientés vers le processus (impliquer davantage de personnes) ou vers les résultats (améliorer la qualité des décisions ou réduire les conflits), ce qui complique encore l’évaluation de leur succès.

Typologies et perspectives normatives : Plusieurs typologies et classifications existent pour décrire les approches de TIC, mais ces dernières sont souvent complexes et interconnectées. De plus, les objectifs de la participation peuvent varier considérablement d’un acteur à l’autre et au sein d’un même groupe. Il est essentiel de comprendre ces différences pour évaluer correctement les résultats d’un programme.

Les deux vagues d’innovation : Depuis les années 1960, deux grandes vagues d’innovation ont marqué la mobilisation citoyenne, en particulier dans le domaine environnemental. La première a été initiée par des préoccupations croissantes autour des enjeux environnementaux et la publication d’ouvrages influents tels que Printemps silencieux de Rachel Carson. La seconde vague a vu le développement de nouvelles techniques de planification et d’évaluation des projets, souvent accompagnées de processus de consultation publique et de participation.

La cogestion et la participation civique sont deux concepts centraux dans la transformation de la gestion publique et la mise en œuvre des stratégies de développement durable. Ces approches favorisent l’implication directe des citoyens dans la prise de décision et la gestion des ressources, marquant ainsi un tournant vers des formes plus démocratiques et inclusives de gouvernance.

Cogestion
La cogestion, ou gestion participative, permet de partager le pouvoir décisionnel, les responsabilités et les risques entre les gouvernements et les parties prenantes, incluant les utilisateurs des ressources, les experts et les défenseurs de l’environnement. Cette approche est née de la nécessité de trouver des solutions plus efficaces et équitables pour la gestion des ressources naturelles. Elle se distingue par sa capacité à combiner la participation citoyenne et l’engagement de l’État, offrant ainsi une alternative aux systèmes de gestion publique centralisée ou à la propriété privée des ressources. Les défenseurs de la cogestion soulignent que cette approche, tout en étant plus efficiente, préserve les valeurs démocratiques et évite les dommages souvent associés à d’autres formes de gestion.

Au Canada, la Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie a recommandé la cogestion comme une clé pour le développement durable, en particulier dans la gestion des océans et des autres ressources naturelles. Ce modèle repose sur des processus multipartites et sur des principes de consensus, favorisant une gestion enracinée dans les communautés locales.

Participation civique et société civile
L’implication des citoyens dans la gestion de l’environnement et du développement durable va au-delà de la cogestion. La montée des ONG et de la société civile a joué un rôle crucial dans la réforme de la gestion publique. Selon des chercheurs comme Pross, les groupes d’intérêts, notamment les groupes écologistes, ont pris une importance croissante dans la formulation de la volonté générale et la surveillance de son exécution. Cependant, cette montée en puissance des groupes de pression pose la question de la représentativité démocratique, car ces groupes tendent à remplacer la représentation géographique traditionnelle par une représentation sectorielle.

Les ONG environnementales, par exemple, adoptent des rôles variés, allant de la défense des droits à la transformation de la société et de l’État. Ces groupes s’efforcent de rendre les gouvernements et les entreprises plus responsables, tout en contribuant à la gestion des ressources naturelles. Cette évolution reflète également l’engagement croissant des citoyens dans la gestion publique, souvent en réponse à une insatisfaction vis-à-vis de l’État ou des entreprises privées.

Théories de l’IC et démocratie délibérante
Les tendances de la cogestion et de la participation des citoyens s’inscrivent dans une vision plus large de la démocratie, souvent associée à la « démocratie délibérante » et à la « prise de décisions par la discussion entre citoyens libres et égaux ». Cette approche met l’accent sur le dialogue, la délibération et le consensus, des éléments qui sont au cœur de la gestion participative. L’influence de théoriciens comme Habermas, avec sa théorie de l’action communicative, a permis de conceptualiser ces processus comme des pratiques démocratiques progressistes visant à lutter contre les injustices du pouvoir traditionnel.

En somme, la cogestion et la participation civique ne sont pas seulement des outils de gestion des ressources, mais aussi des mécanismes de transformation du modèle de gestion publique, en favorisant une plus grande implication des citoyens et des acteurs non étatiques dans la gouvernance, pour une approche plus durable et équitable.

Les Approches Basées sur le Consensus :

  • Le consensus est présenté comme un idéal égalitaire dans la prise de décision multipartite, où toutes les parties concernées peuvent voir leurs intérêts reflétés dans le résultat. Cela vise à éviter la polarisation des opinions et à favoriser la négociation pour arriver à une solution bénéfique pour tous.
  • Toutefois, le processus de consensus peut être limité par des obstacles, notamment en raison de la complexité des décisions à prendre et des biais cognitifs des individus. Les processus de groupe sans structure peuvent également donner lieu à des décisions moins éclairées, comme en témoigne le phénomène de la « pensée de groupe », où des positions rigides se forment et dominent.

2. Les Deux Extrêmes de l’Implication des Citoyens :

  • L’un des extrêmes de l’implication citoyenne est un processus de prise de décision basé sur le consensus, où le groupe prend des décisions collectivement, selon des principes partagés, comme ceux énoncés par la Table ronde nationale canadienne sur l’environnement et l’économie. Ce processus est considéré comme un sous-ensemble des approches basées sur la négociation.
  • À l’opposé, certaines approches limitent l’implication des citoyens à des jugements de valeur formellement structurés, comme les analyses coûts-bénéfices dans le cadre de l’économie de bien-être. Dans ces processus, les citoyens ne participent qu’en exprimant leur volonté de payer pour certaines options, ce qui réduit leur rôle à une simple mesure de valeur économique.

3. Les Limites Cognitives des Individus et des Groupes :

  • Des recherches en psychologie sociale montrent que les individus ont une capacité limitée à prendre des décisions complexes seul, particulièrement dans des situations d’incertitude. Ils tendent à se baser sur des heuristiques, des raisonnements rapides qui peuvent être influencés par des biais cognitifs.
  • Les groupes, bien qu’ils puissent avoir une meilleure performance que les individus en raison de la diversité des points de vue, sont également susceptibles de se voir influencés par des membres dominants, ce qui peut entraîner des décisions moins rationnelles et plus polarisées.

4. Légitimité et Représentativité dans la Gouvernance par Consensus :

  • La gouvernance par consensus est perçue comme une forme plus inclusive de gestion des décisions publiques, mais elle soulève des questions de légitimité, notamment en termes de représentation. Les groupes directement concernés par une décision (par exemple, les communautés locales) ont des incitations plus fortes à participer à ces processus, tandis que la population générale, qui peut être affectée de manière plus diffuse, a moins de motivation à s’impliquer.
  • Une autre critique concerne la légitimité du pouvoir délégué dans ces processus. En l’absence de mécanismes clairs de responsabilité, certains remettent en question la validité des décisions prises dans un cadre non institutionnel, sans garanties procédurales claires.

5. Recommandations pour Renforcer la Gouvernance Participative :

  • Pour que l’implication citoyenne basée sur le consensus soit légitime et efficace, il est essentiel d’assurer que les mécanismes de responsabilité soient clairs et que les intérêts des groupes marginalisés soient pris en compte. Cela pourrait inclure des actions spécifiques de facilitation pour garantir une participation équitable et la prise en compte des préoccupations de tous les groupes concernés, y compris ceux qui ont un intérêt plus diffus.

Conclusion :

La gouvernance par consensus, bien que prometteuse, nécessite une gestion soigneuse des processus de prise de décision, une attention particulière aux biais cognitifs des participants et une structure bien définie pour éviter les dérives. Les processus participatifs doivent veiller à garantir la représentativité et la responsabilité afin d’assurer leur légitimité et leur efficacité.

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